Les transferts horizontaux (TH) correspondent à des transferts de matériel génétique entre deux espèces différentes. Cela s’oppose à la transmission verticale via la reproduction (au sein d’une même espèce). Ce phénomène est fréquent entre procaryotes, c’est d’ailleurs l’un des moteurs principaux de l’évolution des génomes dans ces organismes. Au contraire, chez les eucaryotes, le TH de gènes est rare, probablement en lien avec les différentes barrières devant être franchies (Protection du génome au sein d’un noyau, existence d’une lignée germinale chez certains eucaryotes pluricellulaires, nécessité d’un vecteur). Pourtant, une catégorie de gènes est caractérisée par sa transmission horizontale fréquente : il s’agit des éléments transposables (ET). Les éléments transposables sont des gènes mobiles et répétés, présents dans virtuellement tous les génomes. Ils peuvent se déplacer (transposer) au sein des génomes, et s’amplifier grâce aux enzymes pour lesquelles ils codent. Il existe deux classes d’éléments transposables, qui diffèrent par le mécanisme de transposition, les éléments à intermédiaires ARN ou retroéléments (Classe I), et les éléments à intermédiaire ADN (Classe II).
Nous avons récemment montré qu’un grand nombre de TH d’ETs s’étaient produits au cours de l’évolution des insectes, avec pas moins de 2248 transferts entre 195 espèces au cours des 10 derniers millions d’années. Ces résultats suggèrent que les TH ont eu un impact déterminant sur l’évolution des génomes.
De nombreuses questions concernant ces TH subsistent cependant. Par exemple, les raisons pour lesquelles certains ET (en particulier les éléments mariner) semblent transférer plus souvent que d’autres ne sont toujours pas claires. Par ailleurs, notre étude à grande échelle sur les insectes semble indiquer une plus grande fréquence de TH entre espèces géographiquement et phylogénétiquement proches qu’entre espèces éloignées, mais ces tendances n’ont encore jamais été analysées sur des groupes d’espèces plus restreints.
Récemment, plusieurs génomes de glossines (La mouche Tsétsé, vecteur de la maladie du sommeil) ont été séquencés. Environ 25 % du génome est composé d’ET, les 3/4 des éléments de classe II sont des éléments de la famille mariner, et plusieurs correspondent à des éléments miniatures non autonomes (MITE). Ce jeu de données paraît donc idéal pour affiner l’estimation des taux de transfert horizontaux de ces éléments, et pour mieux comprendre pourquoi ils transfèrent autant entre insectes. En particulier, nous chercherons à savoir s’il existe des différences entre différentes sous-familles et différents statuts (autonome ou non-autonome) d’éléments mariner, en terme de propension à transférer. Cette analyse pourra aussi être étendue à d’autres groupes d’insectes. Toutes les analyses seront réalisées via une approche bioinformatique, pour laquelle des connaissances préalables en programmation (R, bash, perl, python) seront un avantage indéniable.
Réferences :
Wallau, GL, Capy, P, Loreto, E, Le Rouzic, A, Hua-Van, A. 2016. VHICA, a New Method to Discriminate between Vertical and Horizontal Transposon Transfer: Application to the Mariner Family within Drosophila. Mol Biol Evol 33:1094-1109.
Wallau, GL, Capy, P, Loreto, E, Hua-Van, A. 2014. Genomic landscape and evolutionary dynamics of mariner transposable elements within the Drosophila genus. BMC Genomics 15:727.
Filee, J, Rouault, JD, Harry, M, Hua-Van, A. 2015. Mariner transposons are sailing in the genome of the blood-sucking bug Rhodnius prolixus. BMC Genomics 16:1061.
Peccoud J, Loiseau V, Cordaux R, Gilbert C. Massive horizontal transfer of transposable elements in insects. Proc Natl Acad Sci U S A. 2017 May 2;114(18):4721-4726
Encadrant: Aurélie Hua-van (Aurelie.Hua-Van@universite-paris-saclay.fr)
Co-encadrant: Clément Gilbert