Modélisation de l’amplification des éléments transposables lors des expansions géographiques
Contexte scientifique
Les éléments transposables sont des séquences d’ADN présentes dans le génome de presque tous les organismes vivants, et capables de s’y déplacer et de s’y multiplier. Souvent considérés comme des parasites du génome, les éléments transposables sont mutagènes et leur activité est probablement coûteuse; ils pourraient cependant être à l’origine de variants génétiques potentiellement utiles à l’adaptation. Les éléments transposables sont très divers et leur nombre diffère beaucoup selon les génomes. Les raisons qui expliquent l’inégale répartition de ces éléments entre les espèces sont mal comprises; elles impliquent probablement des différences dans les mécanismes de la régulation de la transposition, mais aussi l’histoire récente, et en particulier la démographie, des différentes espèces.
L’aire de répartition des espèces change au cours du temps. Les espèces exotiques envahissantes, comme le moustique tigre ou le frelon asisatique, inconnues dans nos contrées jusqu’à récemment, en sont des exemples frappants. Mais on sait aujourd’hui que l’essentiel de la faune et de la flore qui nous entoure a également récemment connu des modifications considérables de sa distribution : lors du dernier maximum glaciaire, la plupart des espèces européennes tempérées étaient confinées dans les péninsules du Sud du continent. A partir de ces refuges glaciaires, elles ont colonisé le Nord de l’Europe à mesure que le climat se réchauffait (à partir de -15 000 ans) et ainsi connu d’importantes expansions géographiques.
Les expansions géographiques sont caractérisées par une démographie particulière : des goulots d’étranglement (réductions importantes d’effectifs) successifs se déroulent sur le front d’expansion. Ces goulots d’étranglement engendrent une forte dérive génétique, susceptible de favoriser la prolifération de mutations délétères et donc des éléments transposables au sein des populations du front. La colonisation de nouveaux habitats va également nécessiter une adaptation génétique, et donc possiblement la fixation rapide de nouveaux variants. Ces conditions semblent également favorables à l’accumulation d’éléments transposables; toutefois, il n’existe pas de modèles formels en génétique et génomique des populations qui permettraient de fonder cette hypothèse sur des bases théoriques solides.
Objectifs
L’objectif de ce stage serait donc d’étudier, par des simulations numériques, le processus d’accumulation des éléments transposables dans la vague de colonisation d’une espèce en phase d’expansion géographique. Le projet se base sur un logiciel de simulation individu-centré déjà disponible, qui sera exploité dans un contexte spatial explicite où des habitats disponibles sont progressivement colonisés par des migrants issus des populations déjà établies. Le stage devra répondre aux questions suivantes: les simulations confirment-elles une augmentation du nombre de copies d’éléments transposables à la marge de l’aire de répartition? Quels sont les effets des paramètres du modèles (taux de transposition, taux de migration, taille des populations) sur cette accumulation? Sur combien de temps et sur quelle distance géographique cette accumulation peut-elle être détectée?
Profil
Nous recherchons un.e étudiant.e avec une formation solide en génétique et génomique des populations, avec une attirance pour les questions théoriques. Le logiciel de simulation (C++) étant déjà disponible, le stage n’impliquera pas de développement logiciel à proprement parler, mais l’adaptation ou l’optimisation du code pourra être envisagée. Une maîtrise des outils informatiques (R / python / Unix) sera appréciée. Le stage se déroulerait sur une période de 6 mois, idéalement de janvier à juin 2026.
Laboratoires d’accueil
Le stage sera co-encadré par Arnaud Le Rouzic (CR CNRS, EGCE, IDEEV, Université Paris-Saclay) et Matthieu Boulesteix (MdC Université Lyon I). L’étudiant(e) pourra être basé.e à Gif-sur-Yvette ou à Lyon.
Contacts:
Arnaud Le Rouzic, arnaud.le-rouzic@universite-paris-saclay.fr
Matthieu Boulesteix, matthieu.boulesteix@univ-lyon1.fr
Références bibliographiques:
Littérature sur le sujet:
Dolgin, E. S., & Charlesworth, B. (2008). The effects of recombination rate on the distribution and abundance of transposable elements. Genetics, 178(4), 2169-2177.
Excoffier, L., & Ray, N. (2008). Surfing during population expansions promotes genetic revolutions and structuration. Trends in ecology & evolution, 23(7), 347-351.
Hallatschek, O., & Nelson, D. R. (2008). Gene surfing in expanding populations. Theoretical population biology, 73(1), 158-170.
Peischl, S., Dupanloup, I., Kirkpatrick, M., & Excoffier, L. (2013). On the accumulation of deleterious mutations during range expansions. Molecular Ecology, 22(24), 5972-5982. https://doi.org/10.1111/mec.12524
Publication sur des sujets proches des équipes d’accueil:
Le Rouzic, A., & Capy, P. (2005). The first steps of transposable elements invasion: parasitic strategy vs. genetic drift. Genetics, 169(2), 1033-1043.
Mérel, V., Gibert, P., Buch, I., Rodriguez Rada, V., Estoup, A., Gautier, M., Fablet, M., Boulesteix, M., & Vieira, C. (2021). The worldwide invasion of Drosophila suzukii is accompanied by a large increase of transposable element load and a small number of putatively adaptive insertions. Molecular biology and evolution, 38(10), 4252-4267.
Tomar, S. S., Hua-Van, A., & Le Rouzic, A. (2023). A population genetics theory for piRNA-regulated transposable elements. Theoretical Population Biology, 150, 1-13.
Le Rouzic, A., & Hua-Van, A. (2024). Genome Invasion Dynamics. Transposable Elements and Genome Evolution, 175-191.