Michel Solignac, généticien et évolutionniste, nous a quittés le 26 août 2016 après une brève maladie. Professeur à l’université Paris-Sud de 1988 à 2009, il a durant 38 ans mené des recherches au laboratoire du CNRS à Gif-sur-Yvette (actuellement UMR Evolution, Génétique, Comportement, Ecologie). Il a été secrétaire général de la Société Française de Génétique de 1988 à 1992.
Normalien d’une vive intelligence (Saint-Cloud 1963-1967), Michel Solignac s’est passionné pour les sciences de l’évolution, la spéciation et l’espèce. Devenu Assistant au Laboratoire d’Evolution des Etres Organisés de l’Université Paris 6 en 1970, il entreprend des recherches au laboratoire de Génétique Evolutive de Gif-sur-Yvette, dans le sillage de son directeur, le professeur Ch. Bocquet, avec qui il partageait une évidente complicité scientifique. Pendant une dizaine d’années, il va travailler sur les crustacés isopodes, développant une étude très approfondie des mécanismes d’isolement reproducteur entre les espèces du complexe Jaera albifrons. Il met en évidence un parallèle extrêmement précis entre le comportement des mâles lors de la parade sexuelle et des caractères sexuels secondaires. Cette relation, qui contribue au maintien de l’intégrité des espèces, est remarquablement illustré dans un film de 1975 dont Michel Solignac est l’auteur (« Le comportement sexuel de Jaera albifrons« , qui sera distingué par l’Australian & New Zealand Association for the Advancement of Science).
La seconde partie de sa carrière, à partir des années 80, a été marquée par les progrès technologiques et conceptuels des approches moléculaires. Michel Solignac en a très vite pressenti tout le potentiel. Il entreprend alors des travaux de phylogénie et phylogéographie moléculaires, en particulier sur les espèces de drosophiles du complexe melanogaster. Il met notamment en évidence des introgressions d’ADN entre espèces proches, et l’impact de bactéries endosymbiotiques sur les patrons de variation mitochondriale. Développant l’outil microsatellite chez l’abeille Apis mellifera, il caractérise d’abord les zones d’hybridation entre sous-espèces, les relations de parenté entre individus, et certaines modalités de la reproduction. Puis il se lance dans la construction d’une carte intégrée – génétique et cytogénétique – de l’abeille domestique. Il l’utilisera dans des recherches sur la recombinaison, et pour identifier les gènes impliqués dans des caractères variés (morphologie, reproduction, composition de la cuticule ou du venin). Entreprise en 1995 et publiée dans Genome Biology en 2007, cette carte fut reconnue au niveau international comme la plus complète. Elle a servi de référence lors du séquençage et de l’assemblage du génome de l’abeille par un consortium international auquel Michel Solignac a activement participé (Nature 2007). Avec son équipe, il a eu un rôle pionnier dans le développement et l’utilisation des marqueurs microsatellites. Reconnu pour cette expertise, sa grande ouverture d’esprit l’a conduit à accueillir de très nombreux stagiaires, étudiants, doctorants et collègues, contribuant ainsi à l’application de ces méthodes à une grande diversité d’organismes.
Outre la production importante d’articles originaux Michel Solignac a publié des ouvrages d’intérêt plus général comme les deux volumes « Génétique et évolution », avec G. Périquet D. Anxolabéhère et C. Petit (1995), et « Principes de génétique humaine », avec J. Feingold et M. Fellous (1998). Son dernier ouvrage, « De l’espèce » (2005), écrit avec Philippe Lherminier, concrétise des années de réflexions et de discussions sur la notion d’espèce, ses définitions logiques et biologiques, ses concepts théoriques et pratiques, ses représentations intellectuelles et populaires.
Chercheur brillant, très bon orateur et doué d’une forte personnalité, Michel Solignac a toujours fait preuve d’une rigueur scientifique extrême. Sa force de travail aura marqué ses collaborateurs. Son esprit critique implacable était parfois redouté de ses élèves comme de ses collègues. Il est certain qu’il a joué un rôle déterminant dans l’orientation du travail de nombre de ses étudiants, stagiaires ou doctorants qui sont aujourd’hui des scientifiques chevronnés dont L. Garnery, F. Rousset , J.M. Cornuet, A. Estoup, M. Tibayrenc, J.F. Silvain, M.Harry, A. Chenuil-Maurel , P. Franck, T. Giraud et E. Baudry…
Il laisse une empreinte scientifique indéniable.