Offre de stage: Dynamique d’amplification des éléments transposables dans des populations expérimentales mimant un transfert horizontal.

Mot-clés: Éléments transposables, génomique, évolution expérimentale, Drosophile.

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Contexte

L’évolution du génome des eucaryotes est contrainte par différents facteurs, qui peuvent être externes (conditions extérieures) ou internes (mutations génétiques), adaptatives ou non adaptatives. Une bonne partie du génome est composée d’entités génétiques dites égoïstes, qui ne participent pas à l’adaptation de l’hôte qui les héberge, ce qui crée des conflits génétiques. Il s’agit principalement des éléments transposables (ÉT), capables de se déplacer d’un site génomique à un autre, de se multiplier tels des parasites, et qui sont responsables de nombre de mutations délétères. Ils contribuent cependant énormément à la diversité génétique et sont ainsi des moteurs de l’évolution. Tous les génomes eucaryotes en sont pourvus (Hua-Van et al. 2011). On trouve en général des centaines de familles d’ÉT différentes, plus ou moins actives, présentes en un nombre plus ou moins élevé de copies, et qui contribuent passivement à la taille des génomes, mais aussi à leur structure et leur fonctionnement. Cette interaction entre éléments transposables et génome restent mal décryptée (Bourque et al. 2018). Au-delà de leur effet néfaste qui devrait les faire disparaitre, leur persistance ne s’explique pas uniquement par leur activité de multiplication car tôt ou tard, ces éléments accumulent des mutations qui les rendent inactifs. Le transfert horizontal (transfert d’ADN entre espèces par des moyens autres que la reproduction sexuée) semble ainsi être la cause majeure de leur maintien à long terme dans les génomes (Schaack et al 2010). Si les transferts horizontaux de gènes sont fréquents chez les procaryotes, l’immense majorité des transferts chez les eucaryotes concernent les éléments transposables (Peccoud et al. 2017). On connait mal les conditions de transfert mais plusieurs points cruciaux sont nécessaires à leur réussite, comme par exemple la nécessité d’atteindre la lignée germinale pour être transmis, mais aussi leur capacité d’amplification dans le nouveau génome, c’est-à-dire leur dynamique post-transfert.

Cette dynamique peut être influencée par plusieurs paramètres. Elle est tout d’abord en lien avec la structure ou le type de l’élément. En effet, les éléments transposables sont répartis en deux grande classes, selon leur mode de transposition, copier-coller via une copie ARN rétrotranscrite (éléments de classe I), ou couper-coller par excision de la copie et réinsertion directe à un autre endroit du génome (éléments de classe II) (Wicker et al. 2007). Le mode copier-coller est réplicatif par nature et peut conduire à l’accumulation d’un grand nombre de copies. Le mode couper-coller est le plus souvent non réplicatif, mais conduit aussi à l’amplification de l’élément si la transposition intervient lors de la réplication de l’ADN, notamment si elle a lieu d’un site donneur répliqué à un site receveur non répliqué, ou selon que la cassure double brin laissée lors de l’excision est réparée de manière directe (NHEJ, Non-Homologous End-Joining) ou par matrice homologue (permettant de recopier l’élément au site donneur). La pérennité des insertions est différente également entre les deux classes, car les insertions d’ET de classe I ne peuvent disparaître du génome que par délétions génomiques. L’activité spécifique de la machinerie enzymatique de la transposition codée par les éléments détermine aussi leur capacité à s’amplifier. Par ailleurs, il est admis que les insertions ont un effet moyen légèrement délétère, puisqu’elles peuvent inactiver des gènes ou perturber le bon fonctionnement du génome. La sélection naturelle intervient donc et tend à éliminer ces insertions, il s’agit donc d’une force antagoniste à la transposition. Pour lutter contre l’envahissement, le génome possède des systèmes de défense, tel que le système PIWI, qui réduit la transposition en régulant l’expression de ces éléments par interférence ARN et modifications épigénétiques (Czech et al. 2018). Finalement, les paramètres démographiques influencent aussi la dynamique. Par exemple la sélection naturelle est plus efficace lorsque la taille effective de la population est grande et donc la dérive génétique faible. L’efficacité des voies de régulations varient également au cours de la vie des individus. Il est donc possible que le temps de génération ait une influence.

C‘est la compréhension de cette dynamique qui nous intéresse et nous abordons cette thématique au laboratoire grâce à une approche d’évolution expérimentale sur un organisme modèle, la drosophile (Robillard et al. 2016). Les transferts horizontaux sont mimés par l’introduction de nouveaux éléments par transgenèse (CRISPR-Cas9). L’amplification de l’élément et l’envahissement des populations dans des conditions contrôlées sont suivis par séquençage régulier des génomes de la population (pool-seq Illumina). Nous avons des données pour plusieurs éléments transposables (Classe I et Classe II), ou obtenues dans différentes conditions (taille de population, temps de génération), ou présence de copies non-autonomes pouvant interférer avec la dynamique.

Objectifs

L’objectif du stage est d’analyser ces données de séquences, c’est-à-dire identifier et localiser les sites d’insertions, caractériser la fréquence de chaque insertion, et leur évolution au sein de la population au cours du temps, afin d’en déduire des informations clés tels que la variation temporelle du taux de transposition de l’élément, la mise de place de régulation par le génome (insertions dans des locus régulateurs), la préférence insertionnelle des éléments (par rapport aux gènes ou aux autres éléments transposables, ou par rapport à d’autres caractéristiques régionales des chromosomes), ou encore la durée de vie moyenne des insertions (disparition liée à la sélection, la dérive, ou l’excision). Pour ce faire, l’étudiant utilisera le pipeline développé au laboratoire permettant d’obtenir la localisation des insertions et leur fréquence, en l’adaptant aux différents types d’ÉT le cas échéant. Il sera amené à développer de nouveaux scripts pour les analyses subséquentes. La comparaison des dynamiques obtenues dans les différentes conditions nous permettra d’évaluer l’impact relatif des différents paramètres qui déterminent la dynamique et le succès de l’élément suite à son arrivée dans une nouvelle espèce.

Profil

Une formation solide en biologie de l’évolution et en génomique est requise. L’étudiant(e) devra principalement mettre en place une série d’analyses bio-informatiques afin de détecter les insertions des éléments mariner dans les génomes des populations expérimentales séquencées, et analyser ces données. Des connaissances en bio-informatique, traitement de données haut-débit, et en programmation (Python, R, bash), seraient un plus. Le stage se déroulera au sein de l’Institut Diversité, Écologie, et Évolution, dans l’unité EGCE à Gif-sur-Yvette, sous la direction d’Arnaud Le Rouzic (arnaud.le-rouzic@universite-paris-saclay.fr) et Aurélie Hua-Van (aurelie.hua-van@universite-paris-saclay.fr).

References bibliographiques

Bourque, Guillaume, Kathleen H Burns, Mary Gehring, Vera Gorbunova, Andrei Seluanov, Molly Hammell, Michaël Imbeault, et al. “Ten Things You Should Know about Transposable Elements.” Genome Biol 19, no. 1 (November 2018): 199.

Czech, Benjamin, Marzia Munafò, Filippo Ciabrelli, Evelyn L Eastwood, Martin H Fabry, Emma Kneuss, and Gregory J Hannon. “PiRNA-Guided Genome Defense: From Biogenesis to Silencing.” Annu Rev Genet 52 (November 2018): 131–57.

Hua-Van, Aurélie, Arnaud Le Rouzic, Thibaud S Boutin, Jonathan Filée, and Pierre Capy. “The Struggle for Life of the Genome’s Selfish Architects.” Biol Direct 6 (March 2011): 19.

Peccoud, Jean, Vincent Loiseau, Richard Cordaux, and Clément Gilbert. “Massive Horizontal Transfer of Transposable Elements in Insects.” Proc Natl Acad Sci U S A 114, no. 18 (May 2017): 4721–26.

Robillard, Émilie, Arnaud Le Rouzic, Zheng Zhang, Pierre Capy, and Aurélie Hua-Van. “Experimental Evolution Reveals Hyperparasitic Interactions among Transposable Elements.” Proc Natl Acad Sci U S A 113, no. 51 (December 2016): 14763–68.

Schaack, Sarah, Clément Gilbert, and Cédric Feschotte. “Promiscuous DNA: Horizontal Transfer of Transposable Elements and Why It Matters for Eukaryotic Evolution.” Trends Ecol Evol 25, no. 9 (September 2010): 537–46.

Wicker, Thomas, François Sabot, Aurélie Hua-Van, Jeffrey L Bennetzen, Pierre Capy, Boulos Chalhoub, Andrew Flavell, et al. “A Unified Classification System for Eukaryotic Transposable Elements.” Nat Rev Genet 8, no. 12 (December 2007): 973–82.

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